Durant trois ans, Eduardo Martins, Brésilien de 32 ans, s’est construit une réputation de « héros » sur internet. Ce « photographe » soit-disant bénévole pour les Nations-Unies partageait régulièrement d’incroyables clichés qu’il prétendait avoir pris dans des zones de conflit. Il affirmait également être « surfeur à ses heures perdues ».
Pour se bâtir une image toujours plus sympathique, il attendrissait ses visiteurs en leur expliquant comment il avait combattu la leucémie lorsqu’il était jeune. Et, comme si cela ne suffisait pas, il expliquait à qui voulait le lire comment il avait courageusement sauvé des enfants en situation de détresse dans les pays en guerre. Un profil touchant qui a attiré plus de 120.000 followers sur Instagram. Oui, mais voilà, tout cela n’était que mensonges.
Des journalistes de BBC Brasil ont révélé le pot aux roses à travers une grande enquête.
Une vie inventée
C’est Natasha Ribeiro de BBC Brasil qui, la première, s’étonne du comportement du photographe, explique l’Obs. Alors qu’elle souhaitait l’interviewer par Skype, la journaliste a été confrontée à plusieurs refus. L’homme ne souhaitait lui répondre que par enregistrements audio (sans image donc). Il prétextait se trouver à Mossoul et invoquait une « situation dangereuse » pour refuser cette conversation vidéo.
Plus perturbant encore, la jeune femme interroge d’autres photojournalistes qui affirment ne l’avoir jamais rencontré en zone de conflits. Or, Eduardo Martins aurait dû se trouver au même endroit que ses confrères au même moment et aurait par conséquent forcément dû les rencontrer.
Pour en avoir le coeur net, elle décide de contacter l’ONU qui lui répond qu’aucun Eduardo Martins ne travaille pour eux.
Elle contacte alors les personnes ayant déjà parlé au fameux photographe et constate assez vite qu’aucun ne l’a jamais personnellement rencontré.
Pire : elle se rend compte que des journalistes cités par Eduardo Martins pour appuyer son travail n’existaient tout simplement pas….
Des images volées
Les photographies qui parvenaient si bien à capturer l’émotion des rescapés de la guerre n’ont bien sûr pas été créées de toutes pièces sur Photoshop. Elles sont le fait de vrais photographes professionnels qui se sont fait voler. L’imposteur utilisait des photos réelles qu’il modifiait juste assez pour tromper les logiciels chargés de détecter si la photo n’était pas présente ailleurs sur le net. Image retournée, angle légèrement modifié, luminosité renforcée ; toutes les parades étaient bonnes pourvu qu’il ne se fasse pas prendre. Après enquête, il s’est avéré que plusieurs photos appartenaient à Daniel C. Britt.
Une identité usurpée
Mais alors qui est la personne que l’on voyait sur les soi-disant selfies d’Eduardo Martins? Il s’agissait de Max Hepworth-Povey, un professeur de surf. Cet Anglais de 32 ans s’est retrouvé détouré et incrusté sur des photographies de guerre.
Un pactole amassé
Cette supercherie a duré 3 ans. Trois longues années pendant lesquelles il amassait de l’argent sur le dos de vrais photojournalistes. Impossible de savoir combien il a emmagasiné mais certaines de ses photos se vendaient sur Getty Images à 575 dollars/pièce.
L’agence NurPhoto qui a acheté des photographies du Brésilien pour les redistribuer dans les circuits internationaux a déjà annoncé qu’elle portait plainte contre lui. Le principal intéressé, pour se protéger de toute poursuite, a supprimé son compte Instagram et a annoncé à la personne qui exposait ses photographies à Sao Paulo qu’il partait pour « un road trip d’un an en van en Australie ». S’agit-il encore d’un mensonge? En tous les cas, l’imposteur sera très difficile à retrouver puisque personne ne connait sa véritable identité…